J'ai papoté avec...Marie casaÿs

Illustratrice et graphiste indépendante, Marie Casaÿs célèbre les formes et les corps à l’aide de ses crayons de couleur. Curieux comme toujours, j’ai voulu en savoir plus sur ses inspirations, ses techniques et ses dernières actus !

Salut Marie Casaÿs ! 👋 Pour commencer, qui es-tu ?

Helloo Matthieu ! Et bien je suis illustratrice, basée à Paris depuis 2015 (j’ai grandi en Normandie, à Rouen) et je dessine avec des crayons de couleurs (des « polychromos » pour être précise) sur papier. Mon thème de prédilection c’est le travail du corps, les portraits, le plus souvent avec un ton érotique et/ou sensuel. J’ai deux gros projets qui m’ont fait connaître et sur lequel je travaille encore aujourd’hui : les Buttstickers et le Bouli du lundi !

pourquoi le crayon de couleur ? Y vois-tu un rapport au dessin et à l'enfance ?

Alors il y a un rapport au dessin oui mais aucun rapport à l’enfance dans ce choix. Quand je dessinais petite, je détestais les crayons de couleurs justement ! Je les trouvais fades, trop secs, je n’arrivais pas à gérer les harmonies colorées. « crayons de couleur » rimait avec « paysages » ce qui ne me passionnait guère avec ce médium...

Quand j’ai commencé mon activité, je travaillais uniquement en noir et blanc et sur papier (en général crayon à papier, mais parfois aussi avec des feutres, plume et encre de chine) ce qui me permettait de me concentrer dans un premier temps sur l’apprentissage des valeurs (ombre, lumières, contrastes, créer de la profondeur) ce qui n’était déjà pas facile. J’ai toujours été une passionnée de dessin. Je n’ai jamais aimé prendre le temps de développer le dessin numérique. Je trouvais ça amusant au premier abord mais je me lassais vite de devoir apprendre comment fonctionnent les logiciels.

J’ai finalement commencé à trouver un style de tracé intéressant avec le crayon à papier, ce qui me démarquait aussi des artistes qui dessinaient au feutre et à la ligne. Une fois que j’ai commencé à être bien à l’aise avec ce style et le crayon, je me trouvais de plus en plus limitée par une seule valeur et dégradé de gris. Je voulais pouvoir apporter plus de messages dans mes dessins, plus de vie, plus d’émotions.

Étant aussi graphiste, je faisais beaucoup attention aux créations de directeurs artistiques des maisons d’éditions. Il y avait souvent cette dynamique bleu + rouge ou orange qui revenait dans les publications. Je la trouvais très explosive. Je me suis alors achetée deux crayons de couleur polychromos : un bleu et un rouge. Je ne connaissais pas cette gamme mais les crayons me semblaient beaucoup plus intense dans leur pigments de couleur qu’un crayon de couleur classique, ils ne me semblaient pas non plus trop sec, ni trop gras. Et c’était le coup de foudre direct ! J’ai quand même dû réapprendre à dessiner avec ce nouveau médium, mais très vite, je n’ai plus su m’en passer.

Comment t'y prends-tu, techniquement, pour produire tes dessins ?

Alors pour chacun de mes dessins, je m’inspire toujours d’une photographie (que j’ai produite moi-même ou inspirée d’un projet d’un modèle ou d’un photographe). Une fois que je sais que je peux m’inspirer d’une image, niveau matériel, j’ai : une table lumineuse sur laquelle dessiner bien à plat sans aucun accrochage ; une impression à l’échelle 1 de la photo que j’ai retravaillé un peu avant ; une ou deux feuilles brouillons et la feuille de dessin finale ; les crayons que j’ai choisi, mon taille-crayons et éventuellement une petite gomme et un cutter, car je taille ma gomme.

Ensuite je commence à dessiner ! Globalement je reprends dans un premier temps la silhouette de la composition de la photo que j’ai pré-pensé, puis je me mets à « remplir » le(s) corps de crayonné, jusqu’à affiner les ombrage, créer du volume, de la profondeur et finalement donner vie au corps dessiné !

Ton travail et tes inspirations semblent piocher régulièrement dans l'univers du tatouage, peux-tu nous en dire un peu plus ?

Pas si régulièrement que ça mais ça arrive de temps en temps oui. Je suis une passionnée de tatouage, que ce soit les traits de tatoueurs.tatoueuses comme les corps beaucoup tatoués qui me font toujours beaucoup d’effet ;) J’aime l’idée de dessiner ce corps lui-même recouvert de dessins. Cela dit c’est tout de même assez rare que je dessine des gens tatoués car je dois faire deux créations séparées, une avec le(s) corps seul(s) et une avec les tatouages seuls pour ensuite les superposer avec un effet de transparence sur Photoshop.

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En fait, ça fait maintenant quelques années que je dessine exclusivement en dégradé et aux crayons de couleurs. J’aime ça et ça me représente aussi maintenant. Avant j’aimais beaucoup dessiner avec plein de technique et de style différents, mais petit à petit j’ai « fais une croix » sur les dessins à la ligne, sur les aplats à l’encre, les personnages stylisés… pour me fidéliser à mon style et ma technique au crayon de couleur, et developper tout ça pour les rendre encore plus qualitatif. Du coup je suis peut-être encore plus en extase lorsque je regarde le travail des artistes-tatoueurs qui ont ce style que je n’ai pas.

J’aime parfois reprendre des compositions de dessins de tatoueurs et faire un « # draw this in your style » ou alors mettre des flashs d’un tatoueur que j’aime dans une créa et faire un clin d’œil à l’artiste. J’adore quand des univers se rencontrent, se mélangent et qu’il se fassent échos.

J’ai d’ailleurs failli me lancer dans le tatouage il y a quelques années, mais en rencontrant de nombreux tatoueurs, je me suis rendue compte que si je me lançais dans cette voie, ça devrait être pratiquement à plein temps, sinon mon niveau de tatouage serait trop longtemps juste « moyen » et ma progression très lente. Je me suis faite parfois tatouer par des illustrateurs.trices qui faisait une seule session de tatouage tous les 2-3 mois. La différence par rapport à la maîtrise d’un illustrateurs qui va tatouer plusieurs fois par semaine est souvent flagrante. Je suis quelqu’un de plutôt perfectionniste, donc si me lance dans un projet et/ou une technique, je dois être capable de frôler « rapidement » une forme d’excellence. Si un jour je me lasse de developper mon style de dessin uniquement sur papier et que je veux me lancer dans le tatouage, ça sera vraiment dans le but d’en faire mon métier principal.

En attendant je ne suis pas contre faire une collaboration avec un.e tatoueur.euse confirmé.e qui a une technique qui peut « reproduire » mon style en tatouage… Mais encore faut-il que je propose des compositions d’illustrations qui puissent bien se marier avec un emplacement sur une partie du corps. Bref, tout est à penser, alors pour le moment je me contente de faire des clins d’œil dans mes dessins et de me faire tatouer par mes tatoueuses et tatoueurs favoris !

Au delà du corps en tant que support, ce dernier t'inspire aussi beaucoup comme sujet. Que vas-tu chercher dans cet univers érotique et charnel ?

Et bien justement ça : l’érotisme et la chair. Vouloir représenter ces émotions, ces « images », ces souvenirs, ces fantasmes, ces rêves, en dessin ce n’est pas si évident et j’adore relever ce challenge. Je veux pouvoir représenter l’envie, la chaleur, la peau qui respire, qui se plie, qui s’étire, qui s’emmêle avec une autre… Je veux pouvoir moi-même trouver le désir dans mon dessin. Mais parfois, je n’ai pas forcément envie d'illustrer de l’érotisme mais plutôt de la matière du corps en lui-même, montrer que le corps est poétique, montrer qu’il existe, montrer son volume, montrer son caractère. Je trouve ça tout autant intéressant et important à montrer que l’érotisme (même si ce dernier peut avoir des tons plus joyeux et coquins ce qui peut être parfois faire pencher la balance). Mais globalement je veux pouvoir montrer qu’un corps n’est pas nécessairement érotique et parallèlement que tous les corps peuvent l’être, quelque soit leur genre, leur orientation sexuelle, leur pratique (tant qu’il y a consentement entre personnes avec une majorité sexuelle) et leur physionomie.

Des artistes ou créatifs qui t'inspirent ?

Oui beaucoup beaucoup beaucoup :

Photos sur le corps et/ou l’érotisme : @mieltoutesfleurs @_laprediction @_lucierimeymeille @youcallmechaton_ @boysinthemoonlight @cecile_hotties @charlotteabramow @_pelillosalamar_ @celineandreaphotographe @lamasdolorosa @the.london.vagabond @pornceptual @mariussperlich et bien d’autres…

Illustrations sur le corps et/ou l’érotisme : @chaa_coco @julienbrogard @jeanandre @__azais__ @vinnifantastic @appollonia.saintclair @shona_mcandrew @zachgrear @tinamariaelena @joyceartworks @diglee_glittering_bitch et bien d’autres…

Illustrations dont l’univers/la technique/le style me fascine : @claire.duplouy @tttristesse @agathesinger @laine_laura @camille_gressier @benjaminchaud_illustration @jeeeoook @_orphicss @littlethunder @a.creature @ineslongevial @mcbess et bien d’autres…


Tu as collaboré avec des magazines comme les Inrocks, Néon, Usbek & Rica; réalisé l'affiche du comédien Florian Nardone aka Violente Viande; participé à pas mal d'expos et monté des collabs avec des marques de fringues. C'est quoi la suite ?

Une exposition solo de dessins qui vient de débuter à La Karambole où vous êtes les bienvenus jusqu’au 24 avril ! D’ici là je devrais (enfin) sortir une vidéo sur mon travail avec @mathisetjonathan, et pour le printemps, une nouvelle version de mon site avec un eshop).

Pour la suite je vais me relancer dans une nouvelle « animation ». Ou plutôt un GIF plus exactement dont je dessine chaque image et fais le petit montage. J'aimerai aussi développer de nouvelles collaborations avec des artistes (illustrateurs, photographes, modèles…) et exposer à la @galerieartsfactory. Rendez-vous en 2023 pour tout ça qui sait !

Pour terminer, peux-tu nous raconter la dernière fois où tu as été surprise ?

Il y a une dizaine d’année, je faisais mon premier stage en tant que graphiste-illustratrice, à l’Opéra de Rouen. J’avais bien sympathisée avec l’équipe dont une jeune femme à qui j’avais fais un petit dessin « d’adieu » lors de son/mon départ de stage. On s’est perdue de vue depuis, jusqu’à ce que le 31 décembre 2021, elle m’écrit soudainement parce qu’elle venait de retrouver ce dessin, endormi dans ce portefeuille toutes ces années.

Elle me raconte qu’elle a cherché à savoir ce que j’étais devenue et de me partager aussi sa découverte (il y avait mon nom et numéro de téléphone sur le dessin mais bon c’est plus fun de faire une enquête au lieu d’essayer d’appeler direct). Un de ses premiers réflex j’imagine : aller sur Instagram. Là elle découvre tout mon travail actuel, des dessins de toutes les couleurs, avec des fesses, des boobs, des bouches qui s’embrassent… alors que dans les mains elle avait ce tout petit dessin d’une souris à la plage, fait rapidement au stylo sur un post-it. J’étais si surprise, mais finalement aussi très émue, entre cette amie d’un été qui me recontacte et redécouvrir ce dessin oublié de « moi » d’il y a 10 ans.

Me souvenir de cette « époque », mon style et ma technique encore si jeune, voir tout ce qui m’attendait dans la vie professionnelle comme personnelle, tout le chemin parcouru… même si ça n’a pas été facile d’en arriver là, je me suis sentie fière de m’être accrochée dans cette voie !

Capucine Lebeau